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les vies minuscules de madame H.
16 octobre 2011

de la gêne à la communion

C'est terrible, les affaires de deuil quand on aime les gens que cela touche, mais qu'on ne les connait pas si bien que ça. On se sent gauche et emprunté, à ne pas savoir quoi dire exactement. R. et moi n'avons pas été élevés dans les convenances. Même si lui a été élève dans une école privée, il n'a pas appris ce que la bienséance dicte de faire quand on enterre quelqu'un. Bref, samedi, nous nous sommes tous pris par la main et nous avons suivi Isild, chargée d'un gros bouquet d'amaryllis rouges et de roses tendres, pour assurer Rosemarie de notre amitié. Mais quoi dire ? Toutes nos condoléances ? Nous sommes désolés ? C'est elle qui va vivre cette désolation de la manière la plus cruelle qui soit, elle qui n'a jamais vécu seule et qui a suivi cet homme qu'elle aimait depuis la Suisse.

Nous avons sonné et attendu. C'est l'une de leurs filles qui nous a ouvert, une rousse généreuse au sourire franc qui travaille au Mexique. Puis nous avons vu notre voisine, amaigrie, un peu tremblante, mais heureuse de nous voir là avec nos filles. D'autant plus qu'Isild avec sa lèvre ouverte et son menton râpé a entrepris de narrer ses mésaventures ! Tout le monde a ri à son récit et la tension s'en est trouvée soulagée d'un seul coup. Nous nous sommes installés autour d'un verre de jus de fruit. Personne n'a dit qu'il était désolé, personne n'a même parlé réellement de l'enterrement. Non. Nous avons parlé de Jean-Paul, de Rosemarie, des enfants. Il y a des moments où les larmes me montaient aux yeux et où ma gorge se serrait, mais pas plus que ça. J'observais cette famille qui se serrait les coudes, les trois soeurs, très différentes, mais toutes attentives à leur manière à leur mère, le ptit-fils qui se projetait comme un roc sur lequel s'appuyer, le gendre, très affairé. Nous avons parlé de Toulouse où les uns repartiraient bientôt, du Mexique, de la douce vallée de l'Yerres. On nous a discrètement donné des numéros à appeler en urgence, nous avons promis de nous occuper de Rosemarie. On s'est tous entendus, reconnus, souris.

R., ce matin, a retiré la vigne rouge, qui remontait le long du poteau électrique. L'an dernier, à la même époque, on pouvait observer Jean-Paul juché sur une échelle, grattant avec un piquet pour faire lâcher prise à la plante. Chaque année le lierre remonte, chaque année quelqu'un doit l'arracher. R. a remplacé Jean-Paul qui s'en occupait depuis plus de cinquante ans. Rosemarie est arrivée sur ces entrefaits... Nous avons parlé du marché, mais je suivais son regard qui remontait sans cesse vers le ciel puis revenait au tas rouge aux pieds de R. Je savais qu'elle pensait à la même chose que moi et qu'elle était émue, très émue à ce souvenir. Et puis, les filles ont vu le chat et se sont mises à courir après lui emportant dans un éclat de rires les souvenirs et la vie, la vie, la vie...

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